J’ai été sensible à l’idée de ce livre sur le « Digital Banking », à double titre :
Je connais bien, tout d’abord, les associés d’Exton Consulting, pour travailler avec eux depuis 5 ans déjà. J’ai apprécié au plus haut point leur capacité à comprendre les problématiques qui leur étaient proposées et à nous accompagner de façon remarquablement efficace et pragmatique.
En second lieu, parce qu’il est au cœur des réflexions sur la banque « multicanal » et sur la gestion de la relation client à distance, le sujet du digital s’inscrit, depuis quelques années déjà, en tête de mes préoccupations. Ceci, aussi bien en tant que banquier, intégrant dans la stratégie développée les enjeux de la relation client sur les canaux numériques, qu’en tant qu’économiste, averti de la nécessaire anticipation des virages technologiques et sociétaux de son temps.
Le secteur bancaire « traditionnel » français est confronté, depuis quelques années déjà, à des phénomènes structurels et conjoncturels qui préfigurent une profonde mais nécessaire transformation. Le développement du « digital » est dans ce contexte de mutations un élément important, voire majeur, de cette transformation.
Premier phénomène, l’intensification de la concurrence, renforcée par le contexte de crise. Une pression concurrentielle très forte s’exerce sur l’activité bancaire (collecte, crédit, assurances et services). Cette pression a des impacts à la fois sur les volumes de production et sur les marges, mais aussi sur les commissions et tarifications, avec une progression du PNB des banques de détail en France très faible depuis 2006.
Le marché de la banque de détail en France stagne ou progresse très lentement, car la croissance économique est faible, la population croît peu et la bancarisation de la population est déjà achevée. Les entreprises bancaires doivent donc trouver d’autres perspectives de développement pour ne pas rentrer dans un processus d’attrition : chaque banque essaie alors à juste titre de renforcer ses positions et de prendre des parts de marché auprès de clients potentiels, comme auprès de ses propres clients, par intensification de la relation. Le développement du multi-canal et de la banque digitale est ici crucial pour assurer rentablement ce développement.
Second phénomène, la transformation en profondeur de la relation client. Ce que j’ai appelé la « révolution client ».
Dans un contexte de défiance accrue des consommateurs, les banques doivent répondre aux nouvelles exigences de leurs clients, qui expriment une forte attente de proximité (quel que soit le canal utilisé), de praticité, comme de pertinence et de personnalisation accrues du conseil apporté. Praticité : les clients veulent une banque plus simple, plus pratique à utiliser et à joindre. La praticité se décline tant en termes d’accueil, d’horaires, que de disponibilité et de stabilité de leur interlocuteur. Pertinence du conseil : les clients sont également demandeurs de conseils accrus et de plus en plus appropriés ; ils exigent ainsi une vraie personnalisation de la relation, donc, ici encore, une stabilité de leur conseiller.
Ces évolutions technologiques et numériques ajoutent également à la transformation de la relation client, en amplifiant encore la demande de plus de praticité et de pertinence. La révolution technologique amplifie la « révolution client » : la disponibilité et l’instantanéité permises par les nouvelles technologies font que les consommateurs n’imaginent plus de limites à la circulation de l’information et attendent de leur banque une meilleure accessibilité, comme un nouvel accompagnement. Maintenir et entretenir un contact privilégié avec eux doit désormais s’envisager en appréhendant Internet et le mobile comme des canaux indispensables et majeurs de la relation, en complément de la relation avec le conseiller. Ces évolutions ne feront que s’accélérer avec l’arrivée de nouvelles générations de clients, qui ont toujours vécu le numérique au quotidien.
Sans anticiper sur les éléments d’analyse et exemples développés par Exton dans les pages suivantes, qui permettront à chacun, selon ses préoccupations – paiements, réseaux sociaux, nouvelles expériences clients… -, de compléter sa vision sur la nécessité du développement numérique, je voudrais livrer ici quelques réflexions sur l’avenir proche de la banque de détail en France, où le digital a toutes ses cartes à jouer.
Penser « clients »
Les banques n’auraient-elles pas oublié, les dix dernières années, que ce qui fait la profonde différence entre la banque et d’autres industries de distribution de produits et services, c’est la relation personnalisée que le banquier a avec son client ? La banque, dans sa dimension de conseil, doit connaître son client spécifiquement.
La banque n’est pas un fournisseur de produits ou de services lié à l’univers de la consommation immédiate. Elle ne se place pas dans le champs des besoins de court terme des clients. La banque est avant tout une institution de proximité, qui doit donner confiance, avec laquelle le client noue une relation de longue durée, traitant de ses projets de vie, comme ceux de sa famille. Et les différentes familles de produits, l’épargne, le crédit, comme l’assurance non vie, sont par essence des liens entre le présent et le futur permettant de réaliser ces projets de vie.
Pour mieux répondre à ses projets de vie, il nous appartient de penser « clients » avant de penser « produits ». Ce changement de paradigme est clé pour vendre mieux et durablement, mais aussi pour augmenter la satisfaction, la fidélisation et la recommandation des clients. La démarche qui consiste à découvrir le client, identifier ses attentes, ses besoins et ceux de ses proches, afin de lui proposer des produits et services adaptés, est celle qu’il faut à mon sens promouvoir, et qui permet de développer une relation singulière, qui se développe dans le temps et dans la confiance. Cette relation est « gagnant – gagnant » pourrait-on dire, avec les clients. Cette démarche apporte en outre plus d’autonomie aux conseillers bancaires et est, pour eux, plus intéressante et plus valorisante. Elle profite donc également aux commerciaux.
Penser « clients » est évidemment une réponse à la « révolution client ». Et cette réponse doit impérativement intégrer le digital, pour être à la hauteur des enjeux.
Créer une banque « sans distance » et multi-canal : le caractère indispensable du digital
Savoir gérer et optimiser la relation « à distance » (téléphone, Internet) avec les clients était le maître mot il y a encore peu. Aujourd’hui, c’est, non plus le concept de banque « à distance » qui fait sens, mais celui d’une banque « sans distance », qui permet au contraire de conserver le lien entre le client et la banque, et plus précisément avec le conseiller à tout moment et sur tous les canaux de relation.
Cette nouvelle proximité s’exprime dans une vision multicanal de la banque et en fait de l’agence-même, qui s’exerce tant côté client que côté conseiller. Le conseiller est un atout central de cette nouvelle relation qui place le client au centre du dispositif ; il est au cœur de la distribution multi-canal. C’est le conseiller, quels que soient les canaux utilisés, qui assure l’unicité de vue, la compréhension et le traitement des besoins du client. Il en garantit une vision en compréhension, comme l’on dirait en mathématique, c’est-à-dire une vision globale prenant en compte l’ensemble des besoins du client et jouant sur l’ensemble de sa palette d’offre de produits et de services, pour produire avec son client, devenu « consom-acteur », la solution bancaire la plus appropriée. Le client, lui-même multi-canal, choisit les canaux par lesquels il entre en contact avec sa banque. Ces canaux, que ce soient le rendez-vous physique en agence, l’internet ou le mobile, ont pour enjeu leur modernisation, leur enrichissement mutuel et leurs interactions, comme leur décloisonnement.
Le pari réussi de la banque d’aujourd’hui et de demain sera celui d’une banque répondant, de façon rentable et durable, à cette révolution clients, c’est-à-dire de leurs nouvelles exigences. Celui d’une banque digitale, centrée client, dont le pivot central est le conseiller bancaire. Celui du mariage du meilleur de la tradition et de la modernité de la banque.
Tous ces sujets, développés dans Digital Banking, sont au cœur de la stratégie du groupe BPCE, tant des Banques Populaires que des Caisses d’Epargne : pour une nouvelle définition (digitale) de la banque, pour donner encore à tous, clients comme conseillers, l’envie d’agir.