- A l’issue des élections européennes, les partis « populistes » sont renforcés, mais aucune déferlante ne s’est fait jour. 210 députés contre 205 antérieurement, avant le départ probable de 34 députés du Royaume-Uni.
- Le taux de participation de 2019 est le meilleur (51 % en moyenne) depuis 1999.
- L’attachement à l’Union Européenne reste fort. Les sondages montrent que les Italiens répondent positivement à 50 %, les Français à 52 %, les Espagnols à 67 % et les Allemands à 70 %. Même si la confiance dans l’Union Européenne, et non plus l’attachement, a beaucoup faibli entre 2007-08 et 2014-15. Entre 20 et 35 % environ suivant les pays, à la fin de cette période. Mais la confiance est remontée légèrement depuis (entre 30 et 50 % suivant les pays). Et le pourcentage de ceux qui pensent que leur pays pourrait faire mieux hors de l’Union baisse depuis 2013. Autour de 20 % pour les Allemands et les Espagnols, 30 % pour les Français, mais plus de 40 % pour les Italiens.
- Le pourcentage de personnes favorables à l’Euro est globalement stable. Aux alentours de 80 % des Allemands et des Espagnols. Plus de 70 % des Français. Et plus de 60 % des Italiens mais, pour eux, dans une tendance fortement baissière depuis 2000.
- Si l’immigration reste une préoccupation, nos quatre pays étudiés sont très majoritairement (entre 70 et 90 %) favorables à une politique migratoire commune.
- Mais la tendance sur presque 20 ans de l’insatisfaction du fonctionnement de la démocratie dans l’Union est à la hausse, notamment depuis 2012, et s’établit aujourd’hui à environ 50 % de taux d’insatisfaits.
Le grand bouleversement n’a donc pas eu lieu. Et l’idée européenne comme l’Euro résistent bien dans le cœur des habitants de l’Union. Pourtant, nous semble-t-il, il serait dangereux de se réjouir trop vite. Certes, même les partis « populistes » ne se targuent plus de vouloir sortir de la monnaie unique ou de l’Union. Mais les forces qui ont fait monter ces partis dans nombre de pays européens sont bien toujours là et les raisons sous-jacentes toujours bien présentes.
L’une de ces raisons, bien analysée par ailleurs, est la conjonction des effets de la mondialisation et de la révolution technologique en cours, qui produit chez les classes moyennes une déqualification et un appauvrissement relatif, ou leur crainte. Cela n’est pas réservé à la seule Europe et bien d’autres pays connaissent la montée de mouvements antisystèmes et opposés à la mondialisation.
En revanche, les décrochages dans les sondages signalés plus haut se produisent dans l’Union Européenne essentiellement à partir des années 2010-2012, c’est-à-dire dès la crise idiosyncratique de la Zone Euro et sa gestion défectueuse. La question de l’amélioration du fonctionnement de la Zone Euro reste un sujet insuffisamment abouti. Et une nouvelle crise ne pourrait pas se reproduire sans danger ni conséquences politiques et sociales de plus en plus coûteuses.
La question de l’immigration est également un sujet qui reste à penser et à partager au sein de l’Union.
Le rappel à l’ordre réalisé par les sondages sur le besoin d‘un meilleur fonctionnement démocratique de l’Union n’est pas une chimère. Sans doute, en l’état actuel, ne pourra-t-il pas se régler par des réformes institutionnelles, mais en réalité avec un sentiment de proximité plus forte entre l’Europe et ses habitants. Notamment grâce à une coopération active mettant en place des projets européens industriels, technologiques, de défense, écologiques, etc. Quitte à ce que chacun de ces projets ne réunisse pas la totalité des pays de l’Union. Ces réalisations, résultant de coopérations d’entreprises européennes entre elles, et autant que nécessaire soutenues par le budget communautaire, permettraient à tous de mieux percevoir l’utilité de l’Europe dans la vie économique et sociale de chacun de leur territoire d’appartenance.
Enfin, et nous pouvons tous en comprendre chaque jour davantage l’urgence, une Europe stratège doit s’ajouter à l’Union des Nations Européennes. Seule une telle Europe serait capable d’être un acteur à part entière du nouvel équilibre mondial des forces qui s’installe sous nos yeux et qui conduit aujourd’hui à un face à face instable entre la Chine et les Etats-Unis, dont l’Europe est dramatiquement exclue.
Défendre aujourd’hui l’idée européenne ne peut donc plus consister pour l’essentiel à se plaindre d’une insuffisance de communication ou à regretter que ses détracteurs travestissent la vérité. Cela ne peut plus de même reposer sur la seule répétition de la nécessité d’une plus forte intégration, par abandon progressif de souveraineté. Qu’on le regrette ou non, dans les circonstances actuelles, cette attitude semble construire l’opposé du but recherché.
Aussi convient-il sans doute de ne pas vouloir l’impossible, mais de bien regarder en face les problèmes non résolus et les défauts intrinsèques de la construction européenne telle qu’elle est. Et de rechercher pragmatiquement toute possibilité de relancer les processus et les sujets de coopération entre les Etats et acteurs européens, afin de pouvoir faire ensemble ce que chacun ne peut faire isolément.
N’est-ce pas, après tout, remettre à jour le principe de la subsidiarité, cher à Jacques Delors ? Ne pas dessaisir les États-Nations de leur identité ni de leur souveraineté pour tout ce qui peut être réalisé par eux-mêmes semble aujourd’hui, et plus que jamais, être souhaité par les peuples. Et les avancées institutionnelles ne sont pas à l’ordre du jour de nombres de pays de l’Union. Donc, par des coopérations nouvelles ou relancées entre les pays européens, il est indispensable de permettre aux citoyens d’ouvrir plus de possibles. Et, dans une identité supplémentaire et non de substitution, il est crucial de leur proposer ainsi une bien meilleure maîtrise de leur destin. Ne serait-ce pas là le commencement de la renaissance ?
La Ligue Européenne doit répondre présente dans ce débat et être force de proposition. Cette capacité à être engagée et utile repose sur chacun de ses membres. Votre soutien est nécessaire pour que, pragmatiquement et de façon critique, au sens plein et entier du mot, nous puissions participer, à la place qui est la nôtre, à la relance de l’Europe. À la recherche comme à la promotion des voies concrètes pour dépasser ses blocages actuels. Bref, au renouveau de son idéal. Les dernières élections nous permettent de l’espérer.