Quel avenir pour la banque de détail ?

22.11.2024 3 min
L’avenir de la banque de détail se joue dans sa capacité à développer simultanément , grâce au digital, le confort du client ET le temps commercial dédié à lui apporter de la valeur ajoutée dans l’accompagnement dans le temps de ses projets personnels comme d’entreprise. Il est également fondamental, comme dans tous métiers de service, de donner du sens et des perspectives aux équipes , afin qu’elles soient fortement motivées. Bien réussir la gestion du risque de taux et l’efficience de la relation commerciale , dans le contexte de la révolution digitale et de l’indispensable relation humaine à valeur ajoutée comme socle de la fidélité des clients ,  est clé pour la rentabilité et la durabilité du réseau d’une banque de détail.

La rentabilité des banques de détail est en question. Est-elle inéluctablement basse en France ? Quelques éléments de réflexion. La banque de détail a deux moteurs. Si l’un des deux ne marche pas, la rentabilité est compromise. La gestion de l’actif-passif, soit la gestion du risque de taux d’intérêt et de liquidité, est cruciale car les revenus liés aux prêts et aux dépôts (la marge nette d’intérêt) dépendent de la courbe des taux et de son évolution.
Comme tout bon commerçant, ici d’argent, la banque doit acheter un peu moins cher qu’elle ne vend. Or elle emprunte l’épargne des clients plutôt sur une base de taux court terme et, en France, prête plutôt sur une base de taux fixes à moyen-long terme. L’évolution de l’écart entre les taux longs et les taux courts est de ce fait un paramètre essentiel. La banque prend elle-même le risque de taux en permettant aux particuliers, comme aux petites et moyennes entreprises, de ne pas le subir. La banque doit donc bien mesurer, anticiper et gérer ce risque, ce qui a été différemment réussi par les groupes bancaires français ces dernières années avec le retour brutal de l’inflation et la montée des taux qui s’est ensuivie.

La capacité commerciale, un élément clé
Mais la banque de détail doit être également performante sur son deuxième moteur : sa capacité commerciale. La révolution numérique depuis des années en a modifié la donne. Le marketing ou l’offre en est un aspect. Mais les produits et services bancaires étant facilement et rapidement copiables et très réglementés, ils sont peu différenciés. En revanche, l’approche clients, l’organisation de la force commerciale, comme son mode de management, les choix de combinaison entre la présence physique et la banque « online », sont des éléments clés du succès plus ou moins grand des banques de détail.
La révolution numérique dans la banque peut conduire à réduire drastiquement le nombre d’agences en pensant que la banque se fera de plus en plus « online » sans conseillers. C’est une voie ardue en France, les banques y étant bien plus relationnelles (conseil) que purement transactionnelles (simples opérations du quotidien : virements, vérification de soldes…). Pour rentabiliser une banque purement en ligne, il faut parvenir à suffisamment équiper les clients sur une gamme élargie de produits et services. Celles qui y parviennent peu à peu ont donc besoin de plus en plus de conseillers et de sortir d’un modèle « online » pur.

Le numérique pour améliorer le confort client
De façon différente, il est possible, tout en rationalisant son réseau sans le réduire systématiquement pour autant, de se servir du numérique pour simultanément améliorer le confort du client et dégager du temps commercial en agence pour plus de proactivité, comme de valeur ajoutée apportée aux clients, de la part des conseillers. Ne rien changer en profondeur en revanche, en ignorant les effets puissants de la révolution technologique, ne peut servir de solution. Le temps du client en contact avec sa banque essentiellement grâce à son passage en agence est depuis longtemps révolu. Le coefficient d’exploitation (charges sur revenus) ne manquerait alors de s’élever au point d’étouffer la banque. Avec une chute fatidique des résultats à la clé.
La banque de détail répond au temps de l’immédiateté, de par ses services de paiement, mais aussi – et c’est ce qui en fait probablement son essence profonde – au temps long, de par ses conseils. Ils accompagnent les clients dans leurs projets de vie et d’entreprise, qui se préparent et se déroulent tous dans le temps. Ces conseils nécessitent tout à la fois de l’épargne, du crédit et de l’assurance, tous produits qui vivent dans la durée et qui exigent, quelle que soit la typologie de clients, de l’accompagnement. Le numérique doit donc être mis au service du confort du client et être utilisé pour maximiser le temps de conseil et sa valeur ajoutée. C’est une question de stratégie, de moyens et de systèmes d’incitation.

L’avenir de la banque de détail passe ainsi par une politique appropriée tant financière que de distribution, une excellente maîtrise opérationnelle de ces deux moteurs et une capacité à donner du sens et une forte motivation aux ressources humaines sur lesquelles repose in fine toute industrie de service. Dès lors, la banque de détail a de l’avenir.

Olivier Klein est directeur général de Lazard Frères Banque et professeur d'économie à HEC.
Président de la section française de la LECE