Sans anticipation, les crises guettent, qui contraignent alors à des ruptures brutales, incertaines et pénibles socialement, souligne Olivier Klein. (Getty Images/Istockphoto)
Aujourd’hui, l’urgence du changement dans la gestion des administrations publiques s’impose. Pour les entreprises comme pour les administrations publiques, sans que l’on les confonde, les évolutions de comportement des salariés et des clients-utilisateurs ou les révolutions technologiques, nécessitent souvent de réaliser des transformations en profondeur pour survivre et se développer pour les unes et pour rester efficaces et légitimes, pour les autres. Dans un monde mouvant, rien n’est acquis. Et, sans anticipation, les crises guettent, qui contraignent alors à des ruptures brutales, incertaines et pénibles socialement.
Il faut être sans cesse attentif aux changements des conditions d’exercice de son activité, repenser régulièrement à la validité de son modèle, en entretenant un doute
méthodologique pour ne jamais être engoncé dans ses certitudes. Dans le même temps, pour éviter les mouvements browniens, il est indispensable de s’appuyer sur une analyse claire de ce qui, dans son activité, est invariant. Ce en quoi elle est fondamentalement et durablement utile aux gens et à l’économie.
Ainsi, concevoir clairement l’essence même de son activité et percevoir simultanément les évolutions liées à son mode d’exercice est une clé cruciale pour forger une bonne stratégie et atteindre au mieux son cap, en assurant une transformation tranquille et non une disruption brutale.
Anticipation et cohérence
Mais pour nécessaire que cela soit, pour réussir il faut également une gestion du changement réfléchie et organisée avec pertinence. Il faut anticiper les réactions que les salariés, les clients/utilisateurs, voire la concurrence, vont manifester aux changements que l’on souhaite conduire. Anticiper juste, c’est se permettre d’agir juste. La cohérence est également une clé fondamentale du succès. Elle doit être totale dans la stratégie menée. Sinon, c’est la perte du sens et l’on ne peut aller nulle part avec un cap inconstant et des directions données divergentes.
Anticiper juste, c’est se permettre d’agir juste.
Mais il y a plus. Il doit y avoir un alignement constant de la stratégie, des moyens nécessaires pour la réussir et des systèmes d’incitation. Lorsque les moyens mis en oeuvre sont en ligne avec une stratégie pertinente et que le système d’incitation fait en sorte que chacun ou chaque équipe est enclin à orienter son action vers la réalisation de la stratégie proposée, la réussite est bien souvent au rendez-vous.
Un dialogue permanent
Il faut enfin avoir une conduite et un accompagnement du changement adéquats. Donc détecter et considérer par anticipation les obstacles aux changements, grâce aux remontées des équipes elles-mêmes, notamment parce qu’elles sont parties prenantes au changement mais aussi parce qu’elles sont sur le terrain. Le changement ne peut être seulement impulsé par le haut. Il doit être le fruit du dialogue permanent entre managers et managés. Ce processus est exigeant mais nécessaire et fructueux.
Ce qui conduit logiquement à un processus de tâtonnement bien conduit. Le changement doit avoir un cap clairement défini. Mais, s’il s’agit obligatoirement d’un processus bien pensé, il doit être flexible. Il ne faut pas planifier le changement de façon rigide et s’y tenir quoi qu’il arrive. Une planification très souple et dynamique, avec un cap clair, intégrant les réalités rencontrées, dans un aller et retour entre la conceptualisation du processus
suivi et la réalité qui se révèle au fur et à mesure de son déploiement, permet beaucoup plus sûrement d’atteindre son objectif.
La vie est un changement, une évolution permanente. Tout comme les entreprises et les administrations et leur environnement. Il faut donc penser et conduire les indispensables mutations, avant d’y être contraints par la crise sinon inéluctable. Les entreprises naissent et meurent lorsqu’elles n’ont pas su s’adapter. Les administrations publiques ne meurent pas d’elles-mêmes, mais elles peuvent connaître une entropie telle qu’elles deviennent de moins en moins efficaces et de plus en plus coûteuses, pouvant aller jusqu’à perdre leur légitimité. Conduisant alors à des déficits et des dettes qui, face au mur, peuvent entraîner une « disruption » toujours hasardeuse et douloureuse.
Olivier Klein est directeur général de Lazard Frères Banque et professeur d’économie à HEC.