Aujourd’hui, l’inflation est durablement revenue. Les banques centrales doivent la contrer. Mais une remontée trop forte des taux d’intérêt peut provoquer une récession, un « hard landing ». Elle peut être trop fortement calibrée, si l’on pense que la composante transitoire de l’inflation actuelle s’affaiblira prochainement. Les contraintes d’offre ont déjà commencé à s’atténuer dans le temps, sauf conséquences d’une guerre qui se durcirait. Mais une remontée trop lente des taux d’intérêt conduirait à laisser l’indexation se développer. Réagir tardivement, une fois que les anticipations d’inflation ne sont plus ancrées à un niveau bas, coûterait beaucoup plus cher. Rendant inévitables les récessions profondes.
Les taux d’intérêt trop bas, trop longtemps, ont mondialement entraîné des taux d’endettement très élevés et des bulles sur les actions comme sur l’immobilier. Les taux doivent donc être remontés et les politiques de « quantitative easing » prendre progressivement fin. Mais les banques centrales font face au risque de faire éclater les bulles, avec des impacts sur la croissance, et au risque d’insolvabilité des entreprises et États les plus endettés. Cette situation est donc problématique pour les banques centrales qui doivent se montrer très déterminées et très prudentes. Elles ont ainsi entamé la normalisation de leur politique et iront jusqu’à sa neutralisation. Y compris à travers une sortie progressive du « quantitative easing ». Mais une fois ce stade atteint, elles agiront en fonction des circonstances. Si la croissance s’affaisse brutalement, si les marchés chutent fortement, elles aviseront. L’état de l’indexation des salaires et des prix, donc du niveau de l’inflation « structurelle », sera alors scruté, pour s’interroger sur l’opportunité ou le danger de positionner les taux d’intérêt au-dessus du taux neutre. Si le régime inflationniste se renforçait encore, elles durciraient alors très probablement leur politique, tant en montant leurs taux d’intérêt au-dessus du taux de croissance potentielle, que par l’accentuation du « quantitative tightening ».
Elles conduiront, dans ce cadre, des politiques monétaires très liées aux données, au fur et à mesure de leur apparition. Tout en évitant d’être dominées par les questions budgétaires comme par les marchés financiers.
Les gouvernements n’ont d’autre choix quant à eux que d’afficher une trajectoire de solvabilité crédible à moyen terme. Une politique budgétaire trop rigoriste conduirait à casser la croissance, mais ne rien faire lorsque le niveau d’endettement est élevé entacherait leur crédibilité, ce qui constituerait un risque très fort à court terme. Il leur faut donc mettre en place une politique de gestion des finances publiques sans austérité, mais qui en réalité soit une sortie des politiques de soutien. La pandémie, inattendue, brutale et passagère est en effet à différencier d’un changement possible de régime d’inflation.
En outre, il faut financer les investissements nécessaires à l’augmentation de la croissance potentielle ou à la croissance verte. Mais ce financement doit être gagé par une gestion plus rationnelle et plus efficace des dépenses publiques, de même que par les réformes structurelles. Ces dernières sont nécessaires à l’augmentation de la croissance potentielle, soit tôt ou tard à un meilleur ratio dettes publiques sur PIB. Elles sont aussi un moyen de lutter contre une inflation dont l’origine en Europe est davantage liée à un choc d’offre. Et lorsque l’offre de travail est très insuffisante, la pénurie d’emplois peut être allégée par la réforme du marché du travail et du système du chômage, comme par celle des retraites. En France, le taux d’emplois des plus de soixante ans est très inférieur à celui du reste de la zone euro.
Le chemin est étroit. L’indispensable lutte contre l’inflation, sans trop de heurts économico-financiers, passe par une bonne combinaison de la politique monétaire et des politiques structurelles. La politique monétaire peut beaucoup, mais elle ne peut pas tout faire toute seule.