La hausse d’impôts n’est pas la solution, seule une politique de réformes, une bonne maîtrise de nos finances publiques, des investissements d’avenir nous permettront de préserver notre niveau de vie et de protection sociale, écrit Olivier Klein.
Voilà bien longtemps que le taux de prélèvement obligatoire connaît une tendance haussière en France pour atteindre plus de 43 % du PIB en 2023, soit le plus élevé de l’Union européenne (environ 6 points plus élevés que la moyenne de la zone euro). Le taux marginal d’imposition des revenus des ménages s’élève à 55,2 %, contre 47,5 % en Allemagne. Il est plus élevé qu’en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas ou en Belgique, par exemple.
Le taux de taxation du capital reste encore supérieur à la moyenne européenne malgré les baisses récentes fort utiles à l’économie française, ce qui a été bien documenté. Quant aux entreprises, malgré les efforts des dernières années, elles sont soumises à des impôts de production supérieurs de plus de 2 points du PIB à la moyenne de la zone euro et de presque 4 points par rapport à l’Allemagne.
Faute de maîtriser les dépenses publiques (notamment de fonctionnement), le déficit public est souvent resté élevé, y compris en 2023, où il a été l’un des plus forts de la zone euro. Les effectifs de la fonction publique, par exemple, approchaient en effet 6 millions de personnes en fin 2023, en hausse constante (33 % de plus qu’en 1990), avec une part totale très élevée dans l’emploi total (plus de 21 %). Or il n’y a pas de corrélation positive à long terme entre l’accroissement des dépenses publiques et la croissance économique.
Un des niveaux de redistribution les plus élevés de l’OCDE
L’augmentation des prélèvements sur les ménages ne peut pas avoir non plus pour raison de lutter contre l’inégalité de revenus. Après redistribution, cette dernière est en France l’une des plus basses en Europe. L’indice Gini des inégalités post-redistribution s’établit à 0,298, alors que l’Allemagne atteint 0,303 ; l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni s’élèvent à des niveaux compris entre 0,320 et 0,354. En outre, le niveau d’inégalité en France reste sensiblement stable depuis 1990. La France connaît de fait l’un des niveaux de redistribution les plus élevés de l’OCDE. Ajoutons encore que la part du revenu national après redistribution détenue par les 1 % les plus riches en France est également l’une des plus faibles après redistribution à 7,17 %, contre 8,72 % en Suède, 10,32 % en Italie ou 14,35 % aux Etats-Unis. De même, le taux de pauvreté y est inférieur à la moyenne européenne.
Ainsi, l’augmentation des prélèvements obligatoires, comme du niveau de la redistribution, serait contre-productive, conduisant à des effets contraires à ceux recherchés tant sur l’emploi que sur la croissance. La course sans fin entre les dépenses et les prélèvements publics nettement plus élevés chez nous qu’ailleurs n’a cessé de provoquer une hausse de l’endettement, qui désormais atteint des niveaux inquiétants. Rappelons qu’entre 2000 et 2022, la dette publique française a crû deux fois plus rapidement que celle de la zone euro. Le résultat est une fragilisation de plus en plus forte de l’économie française, sans gains en matière de croissance relative.
Politique de réformes
Plus d’impôts encore, au-delà d’un seuil déjà élevé, conduirait à affaiblir notre compétitivité et notre attractivité, donc notre taux d’emploi, qui est pourtant déjà faible en comparaison de celui des pays du nord de l’Europe. Ce qui induirait à son tour plus d’inégalités avant redistribution, l’emploi étant décisif en la matière. Conduisant ainsi à élever à nouveau le taux de redistribution, donc à provoquer à nouveau plus de prélèvements. Le cercle vicieux est bouclé.
Seule une politique de réformes, une bonne maîtrise de nos finances publiques (notamment des dépenses de fonctionnement), des investissements d’avenir permis par une réallocation de nos dépenses publiques, nous permettront de préserver notre niveau de vie et de protection sociale. Ne pas le comprendre conduirait très vite à décourager le travail et les talents, à abîmer une compétitivité déjà insuffisante, donc à aggraver les inégalités des chances et à produire massivement de la pauvreté.
Professeur d'économie et de finance à HEC.