Les banques commerciales sont des entreprises qui, comme les autres, par une mobilisation de ressources humaines et de capital, produisent une offre qui doit rencontrer sa demande. Leur efficacité se vérifie à travers leur capacité à afficher des résultats suffisants pour assurer leur continuité et leur développement. Mais les banques ont la particularité d’être soumises à une réglementation très prégnante, sans commune mesure avec nulle autre. De fait, elles gèrent – donc doivent protéger – l’épargne et, prises chacune individuellement, elles sont un maillon du risque systémique. Ce risque doit être prévenu afin de sauvegarder le système financier, poumon de l’économie.
Les banques sont au cœur du financement de l’économie. On voit bien dans les pays émergents que la recherche de croissance passe par le développement des banques et de la bancarisation de la population, car l’épargne mise dans les « bas de laine » ne peut être mobilisée pour financer la croissance économique.
Dans les pays développés, même si les dernières décennies ont vu monter fortement le poids relatif des marchés financiers dans le financement global de l’économie, les banques y ont un rôle irréductible, et ce, pour plusieurs raisons qu’il est utile de rappeler. Elles ont tout d’abord un rôle économique essentiel d’intermédiation forte qui consiste à faire se correspondre, par l’intermédiaire de leur bilan, les besoins de financement des uns et les capacités de financement des autres. Les marchés financiers ont une capacité à mobiliser l’épargne pour financer l’économie, mais ils le font sur une faible proportion d’agents économiques tant du côté des épargnants que des agents économiques à financer. L’asymétrie d’information entre l’émetteur et l’acquéreur de titres est en effet très forte. L’accès aux marchés financiers est donc difficile. Les marchés financiers sont réservés en grande majorité à des entreprises ayant une taille suffisamment importante pour pouvoir répondre aux exigences de visibilité, de communication financière et de récurrence des émissions. Sans évoquer même les particuliers et les professionnels, qui bien entendu ne peuvent se financer sur les marchés. Symétriquement, les épargnants ne disposent pas tous du temps, des informations ou des compétences suffisantes pour appréhender les risques inhérents aux marchés financiers, quand bien même passeraient-ils par des fonds de placement, par exemple.
Les banques commerciales, contrairement aux marchés financiers qui sont des marchés d’opportunité, entretiennent une relation de long terme avec leurs clients, particuliers, professionnels comme entreprises, qu’elles financent et dont elles gèrent aussi les placements et les flux. Cette relation globale et de long terme leur procure une capacité d’analyse fine qui réduit « industriellement » l’asymétrie d’information. Ajoutons que les banques, portant les crédits comme les dépôts à leur bilan, ne mettent pas en rapport direct l’emprunteur et l’épargnant. Elles facilitent ainsi grandement la réalisation d’un nombre bien plus élevé de financements que si l’on devait attendre la coïncidence des souhaits des prêteurs et des emprunteurs. Et ce, en termes de niveaux désirés de risque de crédit, de durée des crédits et des placements, comme de types de taux d’intérêt.
Les banques prennent ainsi notamment sur elles le risque de crédit, les déposants ne prenant ce risque que sur la banque elle-même. Cette fonction remarquable des banques est clé dans le financement de l’économie, les marchés laissant ce risque aux investisseurs. Si les banques commerciales ont un rôle indispensable, c’est aussi parce qu’elles prennent sur leur propre compte de résultat le risque de transformation des échéances. Les épargnants souhaitent en effet des placements plutôt à court terme et liquides, tandis que les emprunteurs, de leur côté, souhaitent le plus souvent emprunter sur le moyen-long terme, que ce soient les ménages pour leur immobilier ou les entreprises pour leurs investissements. Les marchés financiers, quant à eux, répondent à ce besoin de transformation des échéances par le biais des marchés secondaires, mais les risques considérés sont alors laissés aux agents économiques eux-mêmes. En plaçant à moyen-long terme sur les marchés des sommes pouvant être nécessaires à court terme, les épargnants sont confrontés à un risque de liquidité, et la crise de 2007-2009 a rappelé avec force son existence. Ils doivent aussi supporter un risque de taux d’intérêt, c‘est-à-dire un risque de plus ou moins-value sur les placements réalisés, en cas d’évolution des taux à la baisse ou à la hausse. Les fonds de placement mutualisent le risque au profit des épargnants, mais ne le retirent en rien à ces derniers. Les banques, en revanche, prennent à leur compte le risque de liquidité, comme de taux d’intérêt.
Ainsi,au total, la banque commerciale est-elle une centrale de risques qui supporte sur son propre compte de résultat les risques de crédit, de liquidité et de taux d’intérêt. La banque sert à prendre des risques que ne savent pas ou ne veulent pas prendre les agents économiques. Et elle en assure une gestion professionnelle, réglementée et supervisée, en disposant des capitaux propres calculés pour pouvoir les absorber. En ce sens, elle joue un rôle unique, irréductible et indispensable à l’économie.
Enfin, par l’acte de crédit qui engendre des dépôts de même montant, les banques créent la monnaie, dans une régulation assurée par les banques centrales. Elles peuvent donc, en tant qu’agrégat, prêter avant même que l’épargne n’ait été réalisée. Elles peuvent ainsi mettre en place des moyens de paiement supplémentaires, par anticipation sur la création de richesse à venir. Les marchés financiers, quant à eux, ne créent pas de monnaie, ils font circuler les capitaux préexistants.
Les marchés financiers, par ailleurs, sont très utiles car, d’une part, ils permettent de financer, notamment grâce au marché des actions, ce qui n’est pas raisonnablement finançable par de le crédit bancaire et, d’autre part, ils complètent le financement en provenance des banques, et ce, dans des proportions importantes. Ces dernières ne peuvent en effet assurer tout le financement nécessaire en raison de leur quantité par construction limitée de fonds propres et du respect des ratios réglementaires indispensables de solvabilité. Enfin, les marchés facilitent la circulation des risques financiers, grâce notamment aux instruments dérivés.
Il faut donc trouver, entre les marchés financiers et les banques commerciales, tous deux indispensables, le poids relatif réciproque pertinent dans le financement de l’économie. Le développement des marchés financiers dans les années 80 a accru les possibilités de financement et a conduit par nécessité les banques à devenir plus efficaces et plus compétitives. Mais, compte tenu des caractéristiques qui leur sont propres – notamment leur auto-référentialité, face à la difficulté de connaître la valeur fondamentale des prix des actifs financiers alors que le futur est difficilement probabilisable – les marchés financiers ont des comportements plus volatils et plus mimétiques que les banques. La bonne proportion entre marchés et banques – bien régulées – est ainsi constitutive elle-même de la stabilité financière, indispensable à une bonne économie et au bien-être de tous.