Aucune méthode ne peut garantir le succès d’une entreprise. À n’en pas douter, certaines mécaniques mènent au contraire tout droit à l’échec. Quelques idées, basées sur l’expérience et la réflexion, peuvent cependant s’avérer utiles.
1. Être sans cesse attentif aux changements d’environnement et de conditions d’exercice de son activité
Il est essentiel de s’assurer en permanence que le modèle que l’on a conceptuellement forgé reste pertinent. Il faut penser son modèle, bien sûr, mais aussi vérifier régulièrement que sa pensée est toujours juste, en entretenant un doute méthodologique, et ne jamais être engoncé dans des certitudes.
Il est dans le même temps indispensable de s’appuyer sur des convictions fermes en analysant ce qui est invariant dans son métier. Ce en quoi ce métier est utile aux gens, comme à l’économie. Parvenir à trouver et à comprendre ces invariants permet de s’adapter aux changements sans constamment modifier le modèle d’affaires dans son ensemble. Il faut donc avoir la capacité de remettre en question la compréhension que l’on peut avoir de l’environnement dans lequel on exerce son métier.
Ainsi, concevoir clairement l’essence même de son métier et percevoir simultanément les évolutions liées au mode d’exercice de son activité est une clé cruciale pour atteindre au mieux son cap, en assurant une transformation tranquille et non une disruption brutale.
Pour cette démarche, la conjugaison d’une intelligence analytique et d’une intelligence intuitive, c’est-à-dire d’une intelligence de la sensibilité aux gens et aux choses, est indispensable. Elle est la condition pour mieux comprendre, mieux anticiper. Anticiper, c’est penser la façon dont les collaborateurs, les concurrents, comme les clients, modifient l’environnement dans lequel on se déplace, mais aussi les réactions qu’ils vont manifester aux changements que l’on pense devoir conduire. Anticiper juste, c’est se permettre d’agir juste.
2. La cohérence des choix
La cohérence doit être totale dans la stratégie menée. Sinon, c’est la perte du sens. On ne peut aller nulle part avec un cap inconstant, en indiquant des directions divergentes.
Mais il y a plus. Une stratégie mal choisie amènera obligatoirement à l’échec. Mais proposer une stratégie pertinente est très loin de suffire à conduire au succès. La cohérence à rechercher est une condition impérative du succès. C’est celle de l’alignement de la stratégie, des moyens nécessaires pour la réussir et des systèmes d’incitation. Lorsque les moyens mis en œuvre sont au service d’une stratégie pertinente et que le système d’incitation fait en sorte que chacun ou chaque équipe est enclin ou encline à orienter son action vers la réalisation de la stratégie proposée, alors une sorte de magie opère. La réussite est bien souvent au rendez-vous. Cette cohérence des choix, vécue dans chaque équipe, est ainsi fondamentale.
3. Une ingénierie du changement adéquate
Mais la cohérence ainsi rappelée, si elle est nécessaire, n’est pourtant pas encore suffisante. Il faut en plus avoir un accompagnement, une conduite, une ingénierie du changement adéquats. Et l’intelligence de sensibilité est ici essentielle puisqu’elle permet de détecter et de considérer par anticipation les obstacles aux changements, grâce aux remontées des équipes. Et de dépasser les difficultés ainsi rencontrées sans pour autant perdre le cap. Une stratégie claire, expliquée, mais aussi partagée, c’est une stratégie qui n’est pas seulement impulsée par le haut, mais qui est également le fruit du dialogue permanent entre managers et managés. Et une attention particulière portée aux réactions des clients comme des concurrents. Ce processus est exigeant mais nécessaire et fructueux.
4. Un processus par tâtonnement
Ce qui conduit logiquement à un processus de tâtonnement bien conduit. Le changement doit avoir un cap défini, mais il s’agit obligatoirement d’un processus bien pensé, mais flexible. Lorsque l’on élabore une stratégie, on sait globalement où l’on veut aller, mais au fur et à mesure que le changement se déroule, on découvre les réactions des équipes et des clients. Il faut donc penser par avance autant que possible à l’arborescence des possibilités et non pas planifier le changement de façon rigide et s’y tenir quoi qu’il arrive. Une planification très souple et dynamique, intégrant les réalités rencontrées, dans un aller et retour entre la conceptualisation du processus suivi et la réalité qui se révèle au fur et à mesure de son déploiement, permet beaucoup plus sûrement d’atteindre son objectif.
5. La vraie gentillesse et l’importance de la confiance
La gentillesse est une bonne valeur, à contre-courant d’un certain cynisme ambiant. Elle n’est pas la marque d’un manque d’intelligence et de perspicacité. Elle n’induit d’ailleurs en rien la naïveté. La vraie gentillesse est une exigence bienveillante. Ce n’est ni de la mollesse, ni du laxisme. L’exigence n’est pas non plus l’intransigeance. L’exigence, c’est d’abord être exigeant vis-à-vis de soi-même, puis évidemment vis-à-vis de ses équipes pour les emmener le plus haut possible, pour faire en sorte qu’elles réussissent et soient de ce fait heureuses de ce qu’elles font. La gentillesse, c’est aussi accorder sa confiance a priori. La confiance ainsi donnée attire souvent la confiance d’autrui en lui-même comme vis-à-vis de celui qui a accordé le premier la sienne. Mal placée, elle doit en revanche se retirer ; la confiance a priori n’est pas une confiance aveugle.
La confiance partagée est un élément clé du bon fonctionnement de l’ensemble et de la satisfaction au travail.
6. Donner du rythme et développer le plaisir à travailler
Ne laissons pas l’ennui s’installer au travail ! L’ennui, l’inquiétude et l’inconstance procèdent bien souvent de la nature humaine, comme le disait Blaise Pascal. Ils se renforcent les uns et les autres. Or le travail représente une si grande partie de notre vie qu’il est essentiel de rechercher le plaisir de travailler, pour soi comme pour son entourage. Donner du rythme, c’est donner du tempo, au sens musical du terme. C’est avoir en permanence des projets et les accomplir, et ne pas sentir le temps passer. C’est communiquer son envie et son plaisir de faire et de faire bien.
Le travail participe d’ailleurs à la socialisation de l’individu et à son émancipation. Il libère. Travailler, c’est participer et contribuer à la réussite d’une équipe, d’un projet. C’est par là-même contribuer à donner du sens à sa vie.
La vie est un changement, une évolution permanente. Tout comme le travail. La vie ne s’arrête pas, nos projets non plus. Ce sont ces projets qui donnent du rythme à son travail, à sa vie, c’est le dynamisme d’une entreprise. Le rythme de la vie est un antidote à l’ennui. Sans jamais confondre le sens du rythme et la confusion due au surmenage.
7. Assurer l’égalité des chances et le mariage de l’efficacité et de l’éthique
Une entreprise juste est gage de succès. C’est une entreprise qui assure l’égalité des chances, qui assure les mêmes possibilités à chacun, et ce quels que soient sa religion, la couleur de sa peau, son origine sociale ou ses diplômes. L’égalité des chances et des talents est cruciale. Même s’il est compliqué d’éviter toutes les injustices, on doit y tendre sans cesse.
Il s’agit évidemment plus généralement de bien marier l’efficacité et l’éthique, tant vis-à-vis des collaborateurs que des clients et de la société. Les deux à la fois sont nécessaires : l’efficacité sans éthique ne fonctionne pas bien longtemps ; l’éthique sans efficacité ne peut exister puisqu’il n’y a alors pas de moyens pour la faire vivre.
8. Des managers justes
À l’âge de l’entreprise en réseau, avec l’intranet collaboratif et l’information librement circulante, les managers ne doivent pas être des petits chefs assis sur leur rôle hiérarchique et placés derrière leurs collaborateurs en comptant les points. Ils doivent se trouver devant leurs équipes pour les tirer vers le haut, les motiver, leur donner du sens, du rythme, de l’envie, leur donner la joie de réussir, le plaisir d’y parvenir ensemble. Les aider à dépasser les difficultés rencontrées, les aider à progresser professionnellement pour favoriser leur autonomie et leur capacité d’initiative. Avec du contrôle, bien sûr, mais pour mieux avancer et progresser.
Ces quelques idées sont loin d’être exhaustives. Elles ne sont surtout pas des recettes, mais plutôt une méthodologie, une philosophie d’entreprise. Une entreprise où il fait bon travailler et dont on peut être fier, une entreprise pour laquelle travailler a du sens.