Les problèmes de la Zone Euro, apparus dès 2009-2010, ont pour cause première sa non complétude, en ce sens qu’elle n’a pas tous les éléments de régulation d’une zone monétaire optimale. Notamment, elle ne sait pas bien régler les divergences naturelles qui découlent de l’évolution des spécialisations industrielles due à l’existence même d’une zone monétaire : certains pays se désindustrialisent, d’autres s’industrialisent, avec des phénomènes de polarisation industrielle sur certains territoires. On a en conséquence des divergences progressives des soldes courants des balances des paiements des différents pays, avec accumulation des excédents chez les uns et des déficits chez les autres, et avec pour corollaire l’évolution de la capacité ou du besoin de financement de différentes nations, c’est-à-dire de leur endettement extérieur.
Deux cercles vicieux
En liaison avec ces problèmes structurels, on a assisté à deux phénomènes d’accélération, à deux cercles vicieux. Le premier, que l’on connait bien, vient de ce que lorsqu’on lutte soudainement et intensément contre des déficits publics excessifs et qu’on le fait simultanément dans plusieurs pays de la zone, cela crée des problèmes de croissance accrue qui rebondissent en boucle sur les problèmes de déficit budgétaire. Ce phénomène est renforcé par la hausse des taux d’emprunt des Etats dont les marchés financiers doutent de la réduction des déficits, eu regard au ralentissement de la croissance, voire de la récession. D’où la nécessité de rechercher davantage de croissance par des politiques conjoncturelles appropriées lorsque cela est possible, et dans tous les cas par des réformes structurelles.
Le deuxième cercle vicieux est celui qui entraîne ne boucle le risque bancaire et le risque souverain. On comprend bien que les banques peuvent accumuler des difficultés liées au risque souverain que, légitimement, elles portaient comme des placements de bons pères de famille depuis toujours dans leur bilan. De plus, les banques nationales européennes, de par l’intégration financière qui s’était très bien faite depuis la création de la zone euro, portaient aussi des dettes souveraines d’autres pays européens. Dès lors que ces banques deviennent fragiles parce qu’elles détiennent des risques souverains, il ne reste que les Etats, pris chacun séparément, pour prendre en charge le risque de leurs banques. Ce qui accroît à son tour le risque souverain. Dans le récent sauvetage des banques espagnoles, l’argent a été prêté à l’Etat espagnol pour qu’il prête lui-même aux banques, ce qui, évidemment, concentrait les problèmes sur cet Etat et renforçait la boucle d’accélération des risques pré-citée.
L’Union bancaire européenne, une solution ?
De cette dernière difficulté a émergé l’idée de l’Union bancaire européenne. Elle est un élément constitutif et essentiel d’une zone monétaire. Pourquoi ? Parce que, d’une part, il faut un niveau de supervision européen des banques. En effet, il existe parfois une suspicion vis-à-vis de certains superviseurs nationaux quant au fait qu’ils protègent trop leurs banques ou qu’ils s’aveuglent eux-mêmes. Une supervision au niveau européen est d’autant plus valable que nos banques sont aussi multi-nationales en Europe, afin d’assurer ainsi une homogénéité du contrôle prudentiel tant en termes de qualité qu’évidemment d’efficacité. Mais l’argument central en faveur d’une supervision européenne tient au fait qu’il ne peut y avoir de solidarité acceptée sans supervision partagée. C’est pourquoi l’accord récent conditionnait la mise en place des autres éléments essentiels de l’Union bancaire.
Cette solidarité inquiète toutefois les banques en bonne santé parce qu’elles ont crainte d’avoir à pâtir de la situation des banques moins bien portantes. Or c’est bien le contenu même de la solidarité interbancaire européenne qui se construirait par la constitution d’une garantie des dépôts éventuellement à plusieurs étages. Au-delà des garanties de dépôts nationales existantes, des garanties de dépôts s’enclencheraient ainsi, à certains moments, après épuisement des garanties de niveau national, au niveau européen directement, donc sur la base d’une solidarité des banques européennes des autres nations.
Cette solidarité interbancaire serait complétée par une solidarité entre les Etats de la Zone. Un système européen de résolution des crises, avec notamment un fonds d’intervention européen, nourri par les Etats, devrait voir le jour pour éviter la seule recapitalisation des banques isolement par leur seul Etat donc pour mettre fin au deuxième cercle vicieux évoqué ci-dessus.
L’Union bancaire européenne va-t-elle résoudre tousles problèmes de la zone euro ?
A elle seule, l’Union bancaire ne résoudra pas tous les problèmes, mais c’est un élément fondamental d’un dispositif de sortie de crise. Sera-t-il suffisant pour briser le cercle vicieux incriminé ? Dans le principe, oui. Il reste deux questions sans réponse à ce jour : le montant du fonds d’intervention – qui évidemment sera déterminant – et les termes de la conditionnalité du déclenchement de ces fonds pour pouvoir intervenir.
L’annonce de cette Union bancaire, de même que les déclarations essentielles de la BCE précisant qu’elle pourrait intervenir, sous certaines conditions, de façon illimitée, en achetant la dette de certains Etats de la zone, ont permis de restaurer le calme sur les marchés financiers et d’aborder les problèmes de fond.
Pour résoudre durablement les dysfonctionnements de la Zone Euro, la mise en place nécessaire d’une Union bancaire doit encore être accompagnée de la création d’une Union de transferts budgétaires, qui implique à l’évidence une Union de supervision des budgets nationaux et une véritable coordination des politiques économiques des pays de la Zone.
Espérons que l’avènement d’une Union bancaire européenne complète soit proche et marque le début du sursaut européen.