Pour retrouver une croissance durable, miser sur la connaissance des hommes et des femmes est plus que nécessaire. Pour trois raisons.
1- L’économie de l’innovation met la connaissance au cœur de la compétitivité
Nous ne sommes plus dans une économie de rattrapage, comme c’était le cas au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Une économie dans laquelle nous avions besoin de rattraper le niveau de demande, le niveau de vie, et plus généralement de rattraper le niveau de PIB par habitant des pays qui n’avaient pas été confrontés à la guerre de la même manière que nous. Nous sommes entrés, depuis les années 1980, dans une économie de l’innovation. La croissance est bien sûr toujours dépendante de la dynamique de la demande, mais elle l’est aujourd’hui au moins autant de la dynamique de l’offre. Or, cette dernière vient précisément de la capacité d’innovation et de la recherche et développement. Le progrès technique, la créativité, le développement de nouvelles technologies, ou encore la création de nouveaux marchés, sont cruciaux. Dans une économie de l’innovation, la connaissance est au coeur de la compétitivité. C’est pourquoi cette nouvelle croissance n’est atteignable qu’à travers un fort investissement dans le capital humain.
2- La mondialisation élève les besoins de qualification
C’est un fait, les pays émergents progressent et rattrapent rapidement les pays développés. Ces derniers n’ont donc d’autres choix que de se différencier. Deux voies s’offrent à eux opter pour une économie de valeur ajoutée de type moyenne, productrice d’une gamme moyenne, qui exige de baisser le coût du travail et les prestations sociales pour rester compétitif face aux pays émergents ; préférer une autre option qui permet le maintien de salaires et de niveaux sociaux élevés, grâce à une recherche de valeur ajoutée à travers un positionnement haut de gamme. On ne parle pas ici de luxe mais d’une production située à la frontière technologique et qui dégage davantage de valeur ajoutée. Or, elle n’est atteignable qu’à travers des réformes facilitant l’innovation et la recherche et développement, ainsi qu’un investissement significatif en matière de capital humain, car qui dit valeur ajoutée dit aussi qualifications supérieures.
Deux pays de la zone Euro ont adopté l’une et l’autre stratégie. D’un côté l’Allemagne, qui a globalement connu un taux de croissance satisfaisant pour un taux de chômage faible, un excédent de balance courante très élevé et un déficit budgétaire nul. De l’autre, l’Espagne, qui a été obligée d’abaisser son coût du travail pour « s’en sortir », parce que sa gamme était moyenne. Ses efforts importants ont été fructueux économiquement mais ils ont eu les effets socio-politiques que l’on connaît. La France, quant à elle, se situe au milieu du guet. Elle a une valeur ajoutée globalement plutôt moyenne et n’a pas fait suffisamment de réformes structurelles sur les deux dernières décennies pour remonter en gamme, c’est à dire pour faciliter la transition vers une économie de l’innovation, à forte valeur ajoutée. Elle n’a pas non plus symétriquement fait beaucoup d’efforts sur son coût du travail, qui se situe à peu près au niveau de celui de l’Allemagne. Elle a donc un taux de chômage deux fois supérieur à celui de son voisin, une croissance en moyenne plus faible et des déficits publics, comme des déficits courants, élevés. Pour « sortir par le haut », la recherche d’une production à forte valeur ajoutée est indispensable. Elle implique notamment de se repositionner sur la frontière technologique, ce qui exige d’investir dans la formation, initiale et professionnelle, l’éducation et plus généralement le capital humain.
3- La demande d’autonomie des collaborateurs, permise par la révolution digitale, nécessite plus de formation
La révolution digitale à laquelle nous faisons face change non seulement le comportement du client, mais aussi celui des salariés. On ne dirige plus, on n’organise plus une entreprise de la même manière aujourd’hui qu’hier. Une organisation performante doit désormais satisfaire un besoin croissant d’autonomie qui s’exprime autant chez le client que chez le salarié. Ces évolutions entraînent un basculement, d’un monde très vertical vers un monde plus horizontal. Les salariés ont besoin de comprendre, de participer, de se sentir davantage impliqués, et d’avoir une hiérarchie moins pesante. Il faut donc multiplier les cadres de travail collaboratif et donner plus de sens au travail de chacun. C’est la raison pour laquelle le management doit changer lui aussi. Le manager ne peut plus fonder sa légitimité sur le contrôle de l’information qu’il détient, mais plutôt sur sa capacité à entraîner ses équipes, en se positionnant devant elles, et non derrière, comme le font les managers qui se contentent de surveiller. Il doit expliquer, donner du sens, mais aussi leur permettre de participer aux décisions et aux choix sur la façon d’organiser les équipes. Opter pour ce management participatif, ou de concertation, permet aux collaborateurs d’être davantage mobilisés et engagés, et à l’entreprise d’éviter de se rigidifier face aux mutations auxquelles elle doit faire face. C’est en insufflant plus d’autonomie dans l’organisation – tout en conservant une cohésion d’ensemble – que l’entreprise sera capable d’absorber les chocs extérieurs, car elle est plus résiliente. A l’inverse, une hiérarchie verticale, très centralisatrice, sera moins apte à faire face aux changements rapides et continus. Mais créer les conditions de cette autonomie nécessite un investissement continu en matière de formation, tant dans les savoirs métier qui permettent à tout collaborateur de gagner en autonomie (puisqu’il dépend de moins en moins du « chef sachant ») que dans l’apprentissage du comportement à avoir pour gagner en liberté avec pour modèle, en ligne de mire, l’intrapreneuriat.
Faire face aux changements rapides de la conjoncture, comme des technologies, implique de faire le pari de l’intelligence. Pour être innovant, créatif et non suiveur, dans les entreprises comme dans les pays, pour être compétitif, trouver les solutions de « sortie par le haut » dans les crises que l’on connaît, rechercher la valeur ajoutée mais aussi mobiliser les équipes, il faut plus que jamais faire le pari de l’humain.
Article publié sur Hbrfrance.fr