Il existe, sur vingt ans, une corrélation négative entre les taux de dépenses publiques et le taux de croissance, au sein des pays de l’OCDE. Il ne s’agit en aucun cas de dire que les dépenses publiques ne sont pas utiles. Ni de nier le rôle contracyclique de la politique budgétaire. Il s’agit simplement de remettre en cause un dogme trop partagé en France. La réponse à tous les sujets ne peut être en permanence une augmentation des dépenses publiques. Et leur croissance ne peut être illimitée sans dégâts.
Nous avons des dépenses publiques d’enseignement sur PIB supérieures à celles de la zone euro en moyenne, y compris celles de l’Allemagne. Pourtant, nos enseignants sont moins bien payés qu’outre-Rhin. Idem pour les dépenses de santé et le salaire des infirmières…
Donc, premier point, les dépenses publiques doivent être efficaces. Il ne suffit pas qu’elles existent. Deuxième point, plus le taux de dépenses publiques est élevé par rapport aux pays comparables, plus le taux de prélèvements obligatoires est aussi élevé. En France, nous sommes sur le podium dans les deux cas. Or, un taux de prélèvements durablement plus élevé contribue à un manque de compétitivité des entreprises et à un manque d’attractivité pour le travail, y compris qualifié. Et à une suradministration qui complique la vie des habitants, handicape et freine le dynamisme économique. Entraînant ainsi par ces deux biais une croissance soit plus faible, soit nécessitant plus de dépenses publiques et un taux d’endettement toujours en hausse pour la même croissance. Ce qui n’est pas soutenable. D’où la corrélation négative sur le long terme. Malheureusement, la situation des finances publiques de la France le montre aujourd’hui.
Défiance. Par le cercle vicieux ainsi constitué, le taux de dette publique ne cesse de monter. Ce qui tôt ou tard, sans reprise en mains déterminée, crée des crises de la dette, avec des répercussions économiques et sociales très graves.
Enfin, la France qui connaît ce taux de dépenses publiques si élevé est l’un des pays les plus pessimistes au monde et celui où l’on consomme par habitant le plus d’anxiolytiques. Où est le bonheur que ces dépenses sont censées apporter ? La suradministration crée un sentiment d’impuissance qui peut conduire à la passivité ou à la sédition. Et un Etat trop intrusif et omniprésent à un affaissement de la confiance, à un frein à l’action individuelle et collective, comme à une perte de solidarité exercée directement entre les membres de la société. Cette omniprésence étatique entraîne ainsi une demande toujours plus forte d’Etat et de son intervention, avec pour conséquence une attente toujours déçue et une inquiétude toujours plus prégnante.
Des finances publiques en désordre engendrent un sentiment de défiance vis-à-vis des politiques et des institutions. Et entre les gens eux-mêmes. Enfin, si nous n’avions pas l’euro, vis-à-vis de la monnaie. Bref, à une situation de défiance généralisée, très peu heureuse et très instable sociétalement.
Les dépenses publiques, bien gérées, efficaces et contrôlées sont ainsi un bien public nécessaire. Mais nous en sommes malheureusement loin en France depuis longtemps. Il y a beaucoup à faire pour retrouver un chemin vertueux en ce domaine. Et c’est à cela que le nouveau gouvernement doit s’attaquer d’urgence. Une augmentation des prélèvements obligatoires, au niveau où ils sont déjà, serait contre-productive pour la croissance et pour les finances publiques elles-mêmes, et aggraverait la défiance sociétale qui monte.